Quatre pneus pour une balle [PV. Shawn =D]

Quelle merveilleuse journée, tu ne trouve pas ? Le soleil, comme toujours, et un ciel bleu à en faire pâlir les moulins à vent placés sur les carrefours. Conformément à leur habitude, les friqués les plus faignants venaient dépenser une véritable fortune au Venezia, sans se douter de leur implication provisoire au sein du système mafieux. Bah ouais, ils payaient une fortune et ME remplissaient les poches. Quant à moi, je déjeunais gratuitement, bien entendu, et profitais d’un moment de paix, sans me soucier des flics, des russes, ou même de mes quinze mille rendez-vous urgents.

Suite à un délicieux plat de homard thermidor, suivi d’une coupe de glace digne d’un tableau de Picasso, je fumais tranquillement une clope, les yeux rivés sur la mer. Putain, j’avais vraiment trouvé une mine d’or. Les gens se battaient une telle vue, et dieu seul sait combien de promoteurs immobiliers auraient tenté de m’évincer si je ne leur avais pas tout de suite aimablement expliqué mon point de vue sur la question. J’ai bien dis aimablement.

« Souhaitez-vous encore quelque chose, monsieur ? Me demanda un serveur.
– Un Armagnac, je vous prie. Pas très serré, je dois conduire.
– Bien monsieur. »

Le jeune homme repartit, et me laissa à ma contemplation romantique de l’espace marin. Je semblais rêveur, ou peut-être nostalgique de je ne sais quelle ère passée, enivré à la seule idée de sentir le clapotis de l’eau contre la forteresse rocheuse sur laquelle se dressait le restaurant. Je me laissais transporté vers une sorte d’univers surnaturel, jusqu’à être rappelé par la réalité. Je suis et je reste un criminel éternellement sollicité, hélas. Mon cellulaire dansait sur la table, secoué de vibrations plus ou moins énervantes, aussi décrochai-je rapidement avant de ressentir l’envie de le balancer par la fenêtre.

« Calabrese, j’écoute.
– Buongiorno padrone, scusatemi di disturbarvi a questa ora ma...mi avete incaricato di sorvegliare i dintorni del ristorante, con Marco e Federico, ed io...
– Je t’ai déjà dis mille fois de ne pas m’appeler si une bestiole a osé souiller mon bijou ! Tu me fatigues Carlos.
– Nan mais, patron…c’est pas ça, y’a oune blackos qui rôde dans les parages, et j’ai jugé bueno de vous prévenir ! C’est qu’on dirait oune flic !
– Un flic ? Black ? Tu plaisantes, j’espère ?
–Mai con voi padrone!
– Putain de merde. Restez sur vos gardes, plombez-le s’il commence à devenir gênant. Je finis mon digestif et j’arrive. Je raccrochai et marmonnai. Bordel, on ne peut même plus déjeuner tranquillement dans cette putain de ville. »

J’en revins à ma contemplation, ma clope entre les doigts, se consumant lentement. Je la terminai en trois taffes et en écrasai le mégot dans le cendrier avant de recevoir mon verre d’Armagnac. Je le bus avec classe et distinction, sans précipitation aucune. J’allais pas me presser pour un flic, quand même ! Suite à ça, je remis un pourboire au serveur et me retirai. Le type souffla un bon coup et s’essuya le front, fier d’avoir réussi à contenter son directeur sans l’irriter. Haha, je ne me lasserais jamais de leur mettre la pression, il s’agit d’un jeu particulièrement amusant.

J’attrapai mes lunettes de soleil et les déposai sur mon nez, d’un geste lent et léger, sans oublier de réajuster mon veston. Une fois dehors, je remarquai ce putain de flic, occupé à rôder autour de ma caisse. Heureusement, le dernier lifting avait retiré toutes les traces de balles implantées dans la carrosserie. Une bonne chose de faite, je me voyais mal expliquer à ce type d’où venait ces trous gros comme des impacts de météorites. Ah ouais tiens, j’aurais pu lui sortir ça…quoique non, je ne cherche pas à obtenir la palme de l’excuse la plus bidon du monde.

Je m’approchai discrètement et m’accotai à l’aile gauche de mon véhicule. Le flic en examinait les pneus, les jantes, et même les prises d’air au niveau du capot. Certes ma Ferrari était équipée de telle façon à pouvoir gagner un maximum d’aérodynamisme en un minimum de temps, afin de pouvoir échapper aux flics sans trop de difficulté, mais je ne vois pas en quoi on pouvait la soupçonner de courir contre des caisses de poulets. Bah, ils soupçonnent tout et n’importe quoi de toute façon. Ou bien ce type aimait seulement la belle mécanique. Mais ça ne lui donnait pas le droit de toucher à ma carrosserie, bordel de merde !

Je restai cependant le plus calme possible, soupirai un grand coup et demandai, le plus AIMABLEMENT du monde.

« Puis-je vous aider, monsieur ? »

*Bonjour patron, excusez-moi de vous déranger à cette heure mais...vous m'avez ordonné de surveiller les alentours du restaurants, avec Marco et Federico, et je...
* Jamais avec vous patron !